Cina,
minerario, incidenti
Bruno Philip
Migliaia di miniere private sfruttate in modo del tutto
illegale
+ Reportage – I sacrificati del carbone cinese
La Cina, primo
produttore mondiale di carbone, nel 2004 ne ha prodotto 1,95 MD di tonnellate,
nel 2006 2,4 MD; con l’attuale crescita nel 2010 sarebbero 2,7MD.
In contraddizione
con il crescente bisogno di fonti energetiche, il governo cinese cerca di mantenere
ridurre le ineguaglianze sociali, secondo il nuovo concetto di “armonia
sociale”, e in ciò rientra la questione della sicurezza dei minatori.
Dal 2005 sarebbero
state chiuse 6000 piccole miniere illegali con una capacità di produzione di
meno di 90 000 tonn. l’anno; altre 4000 lo dovrebbero essere da ora a fine
terzo trimestre 2007;
Ne rimarrebbero
ancora 17 000, di cui 13 000 dovrebbero essere chiuse entro il 2010.
6000 i minatori
uccisi ogni anno, la cifra reale è certamente molto superiore dato che molti responsabili
locali e padroni privati minimizzano o non segnalano diversi incidenti.
Solo nell’ultima
settimana di novembre 86 vittime in quattro miniere dall’estremo NE manciù alla
provincia SO dello Yunnan, attraverso le frange tibetane.
Nel 2004 le vittime
ufficiali sono state 5 900, con 166 minatori morti nella miniera statale
di Chenjiashan, che produceva 2,6mn. di tonn. di carbone l’anno; a inizio 2005
il governo si è posto l’obiettivo di ridurre il numero delle vittime a 5730,
obiettivo mancato, con i 6000 morti ufficiali.
La forza lavoro per
le miniere, con un salario mensile di €150, è facilmente reperibile tra i contadini
che abbandonano le campagne, gli operai disoccupati.
Le Monde 061211
Bruno Philip
Des milliers de mines privées sont exploitées en toute illégalité
PÉKIN CORRESPONDANT
La Chine a produit 1,95 milliard de tonnes de charbon en
2004. En 2006, le chiffre devrait être de 2,4 milliards de tonnes. En 2010, au
rythme de sa croissance actuelle, et même si celle-ci se réduit afin d’éviter
les risques d’une dangereuse surchauffe économique, elle devrait en produire
2,7 milliards de tonnes…
A eux seuls, ces
chiffres indiquent à quel point le premier producteur mondial de charbon est pris dans la nasse
de sa propre contradiction : d’un côté, il lui faut produire ou acquérir
toujours davantage d’énergie pour assurer ses besoins ; de l’autre, au nom du nouveau concept
d’"harmonie sociale" vanté par le régime pour réduire les inégalités,
il lui faut traiter sérieusement les questions de sécurité des mineurs.
Fin novembre, après un mois particulièrement meurtrier
qui a vu 86 mineurs perdre la vie dans différentes mines de charbon du pays, le responsable du
"département de l’administration d’Etat pour la sécurité du travail",
Li Yizhong, a poussé un "coup de gueule" relayé par les agences de
presse et les médias. Pour une raison simple : trois des quatre mines (privées)
dans lesquelles se sont produites les dernières tragédies n’avaient tout
bonnement plus de permis d’exploitation…
Le courroux de M. Li
s’est alors porté contre les administrateurs locaux. S’adressant au responsable
du comté de Fuyuan, dans
la province du Yunnan (sud-ouest du pays), où 32 mineurs ont été tués dans un
coup de grisou le 25 novembre, il s’est vu répliquer que, oui, cette
mine aurait dû être fermée, que d’ailleurs oui, on l’avait fermée, mais que,
hélas !, elle avait continué de produire…
DIALOGUE TENDU
Une dépêche de
l’agence de presse Chine nouvelle décline ainsi le dialogue pour le moins tendu
entre le responsable local et M. Li, qui hurle : "Si vous aviez pris les
mesures nécessaires, cet accident n’aurait pas eu lieu !…" Et le même M.
Li d’ajouter : "Avec l’appui en coulisse des gouvernements locaux, des patrons
de mines peu scrupuleux continuent d’opérer dans la plus parfaite inégalité
!"
– Les autorités chinoises affirment être en
train de prendre toute une série de mesures destinées à enrayer l’hécatombe récurrente
dans les puits de mines de leur pays.
Huang Yi, porte-parole
du département de la sécurité du travail, souligne que "la plupart des
accidents sérieux se produisent dans les mines privées opérant
illégalement".
–
Dans un bureau immaculé du building flambant neuf
de cette administration, M. Yi assure que "6 000 petites mines d’une
capacité de production de moins de 90 000 tonnes de charbon par an ont déjà été
fermées depuis 2005" et que "4 600 de plus le seront d’ici à la fin
du troisième semestre de 2007".
– Ces
"petites" mines sont en effet connues pour faire fi des conditions de
sécurité imposées, ce qui est moins le cas dans les mines d’Etat. "Il
reste environ 17 000 mines appartenant à cette catégorie ; le but est d’en
fermer 13 000 d’ici à 2010", ajoute-t-il.
D’autres mesures
sont à l’ordre du jour : envoi d’équipes de surveillance dans les principales
provinces de production houillère, attribution d’une enveloppe de 300 millions
d’euros par le gouvernement central pour investir dans les systèmes de
sécurité, l’ensemble des provinces concernées devant débloquer pour leur part
un budget de 3,8 milliards d’euros…
M. Huang, qui était
lui-même mineur avant de devenir porte-parole, et se souvient d’avoir été
personnellement témoin de catastrophes minières, affirme être sûr d’une chose :
"Sur le plan de la sécurité du travail, la Chine devrait se hisser au
niveau des pays développés d’ici à 2020."
Article paru dans
l’édition du 12.12.06
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Le Monde 061211
Bruno Philip
Reportage – Les sacrifiés du charbon chinois
PÉKIN CORRESPONDANT
Les "gueules noires"
d’une Chine toujours plus assoiffée d’énergie continuent de payer de leurs vies
le prix de la croissance.
– On
assiste ici à une accumulation de tragédies en sous-sol, à un rythme d’environ
6 000 mineurs tués par an ces dernières années, selon les sources officielles, sans doute beaucoup plus si l’on
tient compte du fait que de nombreux responsables locaux et des patrons de
mines privées minimisent ou ne signalent pas nombre d’accidents.
– Les derniers mois de 2006 ont été meurtriers
: rien que durant la
dernière semaine de novembre, on a dénombré au moins 86 morts dans quatre mines
situées d’un bout à l’autre du pays, de l’extrême Nord-Est mandchou jusqu’à la
province tropicale du Yunnan (sud-ouest), en passant par les franges tibétaines.
Souvent, en ces
temps de flux rapide de la diffusion d’informations sur Internet, lors de
catastrophes dont l’ampleur ne peut plus être passée sous silence, les familles
des victimes protestent et conspuent les autorités locales, demandant justice et
réparation.
Même dans cet empire
sous contrôle, le régime est bien obligé de prendre la mesure des réalités, ne
serait-ce que pour enrayer un flot toujours grandissant de manifestations plus
ou moins violentes contre les carences de l’Etat. Le gouvernement central a choisi de durcir son attitude
contre les patrons véreux de mines souvent illégales, ainsi qu’à l’égard des
responsables d’entreprises d’Etat.
Le 29 novembre, le
directeur et l’adjoint d’une mine de la province du Shaanxi, région du nord de
la Chine située au sud-ouest de Pékin, ont été condamnés à cinq ans de prison.
Deux ans auparavant, presque exactement jour pour jour, le 28 novembre 2004, la plus grave catastrophe
minière en quarante-quatre ans avait endeuillé le pays : 166 mineurs avaient
trouvé la mort dans un coup de grisou ayant provoqué une grave explosion dans
cette mine d’Etat de Chenjiashan, qui produisait 2,6 millions de tonnes de
charbon par an. Un cas emblématique d’une tragédie nationale quand on
sait le nombre de paysans,
de miséreux partis des campagnes, d’ouvriers au chômage désormais prêts à aller
risquer leur vie "au fond" pour empocher les 150 euros mensuels d’un
salaire enviable dans un pays où les inégalités sociales sont
grandissantes.
Ce jour-là, un
journaliste d’un quotidien régional est le premier reporter à arriver sur les
lieux de la tragédie. Dans le blog qu’il a récemment créé, il relate
l’événement. Il raconte d’abord que le coup de grisou s’est produit à l’aube,
alors que 293 ouvriers se trouvaient au fond du puits.
A son arrivée, vers
10 heures, une foule d’un demi-millier de personnes, des familles de mineurs,
est massée devant les portes de la mine. Une femme hurle : "Laissez-moi
entrer ! Je veux voir mon mari !" Des ambulances entrent et sortent à toute
vitesse, ne laissant à personne le loisir de voir le visage des victimes. Le
va-et-vient des sauveteurs et des ambulances commence ensuite à se tarir,
laissant supposer que, pour l’instant, d’autres survivants – ou d’autres
cadavres – n’ont pas été remontés.
En début
d’après-midi, se souvient le journaliste, les policiers qui font barrage devant
l’entrée du puits éprouvent les plus grandes difficultés à contenir la foule.
Une jeune femme, mariée depuis un an avec l’un des disparus, s’effondre. Elle
hurle qu’elle regrette d’avoir reproché à son homme de trop boire. "Oui,
maintenant je sais, crie-t-elle, boire est pour les mineurs un moyen de
conjurer la peur, le noir et le froid au fond du trou !"
Elle entre dans une
transe pendant laquelle elle s’adresse à lui : "Reviens, mon amour ! Fume
tant que tu veux, bois tant que tu veux ! Je ne t’obligerai plus jamais à
redescendre dans le puits. Reviens-moi !…" A ses côtés, une vieille
femme s’agenouille devant les forces de l’ordre dans une posture de supplication.
Un policier lui répond, les larmes aux yeux : "Grand-mère, je suis aussi
triste que vous, mais les sauveteurs ne pourront plus continuer à faire leur
travail si tout le monde se presse autour de l’entrée du puits."
Peu avant minuit,
dans un froid glacial, des centaines de personnes attendent toujours. Une autre
femme, qui a perdu son mari dans un accident similaire en 2001, attend
désespérément son fils, disparu dans le coup de grisou du matin. Elle demande
qu’on lui laisse préparer pour lui un bol de nouilles. Elle finit par tomber,
épuisée, avant d’être emmenée en ambulance. Un homme, Cheng Zensheng, explique
être sans nouvelles de ses quatre frères et du mari de sa soeur. "Douze
enfants ont peut-être perdu leur père aujourd’hui", dit-il.
Quelques jours après
le désastre, le quotidien anglophone et gouvernemental China Daily estimait
déjà qu’à l’évidence, il n’y avait aucune chance de retrouver la centaine de
mineurs encore "portés disparus" : "Après l’explosion de gaz,
les températures à l’intérieur du puits s’élèvent jusqu’à 2 000 degrés et la
pression atmosphérique est dix fois plus forte qu’en surface…"
– Des experts chinois ont par la suite
souligné que la "structure géologique" de ce genre de mine est
complexe, dans la mesure où l’on y trouve à la fois du charbon, du pétrole et
du gaz, le tout formant un mélange détonant. "La densité de gaz étant très
élevée, les risques d’incendies et d’explosion sont donc très fortes",
précisaient-ils.
Le 1er janvier 2005, désireux de montrer que le
gouvernement central se soucie de la condition des mineurs, le premier ministre
chinois, Wen Jiabao, s’était
rendu sur les lieux du drame. Le chef du gouvernement s’était recueilli dans
une salle dédiée au souvenir des morts, avait déposé une gerbe et s’était
incliné en mémoire des victimes.
Après avoir serré
les mains des parents des mineurs morts, il avait déclaré : "Il nous faut
tirer les leçons d’un accident payé au prix du sang. Il faudra à l’avenir faire
plus attention aux conditions de sécurité afin qu’un pareil événement ne se
produise à nouveau. Nous serons tenus responsables devant les mineurs, leurs
familles et leurs enfants." Et dans un geste amplement diffusé à l’époque dans les médias, Wen Jiabao
était descendu au fond d’une mine voisine et avait partagé le repas du
premier jour de l’année 2005 avec les mineurs.
En 2004, 5 900 "gueules noires" ont péri, selon
les sources officielles, au fond des puits chinois. Début 2005, les autorités
ont déclaré que l’objectif pour l’année était de réduire ce chiffre à… 5 730. Même s’il ne faut pas se fier aux
statistiques de la République populaire, il apparaît que ce but aussi précis
que modeste a été manqué : avec près de 6 000 morts officiellement répertoriés,
la tragédie chinoise en sous-sol s’est poursuivie.
Article paru dans l’édition du 12.12.06