Analisi – Pechino all’assalto dei suoi domini feudali

Cina, partiti, zone economiche, squilibri politoco-economici

Le Monde 061018

Frédéric
Bobin

Analisi – Pechino all’assalto dei suoi domini feudali

Frédéric Bobin

In assenza di competizione elettorale la vita politica
cinese sembra atona, mentre in realtà vi è continua tensione geo-politica,
derivante dalle forze economiche regionali che man mano si vengono ad imporre
al centro di Pechino.

Lotta intestina tra i dirigenti del PCC: i dirigenti di
Shanghai sono accusati di aver attinto alle casse pensionistiche per
finanziamenti illegali ad infrastrutture e progetti immobiliari.

La vera ragione delle purghe ha radici politiche, la sfida
alle autorità centrali di Pechino.

Lo scontro tra centro e periferia risale al periodo della
riforma economica cinese, inizi anni 1980:


Pechino creò le “zone economiche speciali” sulla
costa di Hongkong e Macao, rafforzando la Cina meridionale, provincia
all’avanguardia quella del Guangdong, con Canton capitale, che getta le
fondamenta della “fabbrica del mondo”.


Si crea tensione tra i mercanti del Sud e i
mandarini di Pechino, nel 1998 scoppia un conflitto per un forte indebitamento
estero contratto da Canton in sfida alle direttive centrali: lo stato maggiore
del Guangdong è decapitato.


Stessa vicenda due anni dopo per il porto di
Xiamen, provincia di Fujian, di fronte a Taiwan, i dirigenti locali avevano
coperto una rete di contrabbando che aveva danneggiato fortemente le casse
dello Stato.

Nel timore che emergano nuove fortezze potenti che sfidano
la sua autorità, Pechino organizza una specie di rotazione nella concessione
dei favori statali:


Canton ha goduto dei privilegi statali nel
1985-95,


segue Shanghai, che prende slancio negli anni
1990; a Pechino predominano i vecchi dirigenti di Shanghai, primo tra tutti
Jiang Zemin, segretario generale del partito (1989-2002); il potere politico ed
economico sono solidali;


Nel 2002 Jiang Zemin, padrino di Shanghai,
abbandono della carica di segretario PCC, Shanghai finisce nel mirino dei nuovi
padroni di Pechino, legati ad una fazione rivale.


Hu Jintao, successore alla testa del PCC,
proviene da una zona rurale, giunge al potere in un periodo di sviluppo
economico incontrollato, che egli valuta destabilizzante per gli equilibri sociali,
finanziari ed ecologici; nuova parola d’ordine sostituire la qualità alla
quantità della crescita, alle province è chiesto di raffreddare la macchina
economica; presa di mira in modo particolare Shanghai con le sue bolle
speculative, che si ribella ma vince il centro.


Subentrano a Shanghai Nuovi centri di crescita
incoraggiati il porto di Tianjin, nei pressi di Pechino, e il Nord-Est manciù,
in attesa che si mettano in movimento le province rurali dell’ovest. Fino al
nuovo conflitto…


Tranne per il Tibet e lo Xinjan musulmano ai
confini nell’Asia centrale, le forze centrifughe sono economiche più che
politiche, ma creano ugualmente problemi al centro.


Il politologo Li Cheng nota come il reclutamento
del personale politico provinciale si è “localizzato” negli ultimi anni, mentre
nel periodo di Mao i dirigenti venivano presi da altre regioni, perché meno
inclini a cedere all’autonomismo.

Hu Jintao
si trova ora di fronte ad un dilemma: da una parte la necessità di
democratizzare il PCC, dall’altra questo porta alla tendenza al “localismo” che
vorrebbe combattere, dato che un partito “dal basso” preferirà dirigenti
autoctoni a quelli imposti dal Pechino.
Le Monde 061018

Frédéric Bobin

Analyse – Pékin à l’assaut de ses fiefs féodaux

Frédéric Bobin

Un scandale peut en
cacher un autre. Depuis quelques semaines, Shanghaï, vitrine scintillante de la Chine globalisée,
plate-forme asiatique où se pressent les multinationales, est ébranlée par un
scandale financier.


Le dirigeant du Parti communiste de
la ville, un des hommes les plus puissants du pays, a été limogé
. Nombre de ses proches l’ont accompagné
dans la disgrâce. Il leur est reproché d’avoir puisé dans les caisses de
retraite pour financer illégalement des projets d’infrastructures et des
projets immobiliers.

L’affaire est
assurément grave mais il faudrait être naïf pour s’en tenir à cette justification
officielle.


La vraie raison de la purge est
ailleurs. Le vrai scandale, celui qui motive le zèle des coupeurs de têtes,
n’est pas financier, mais politique.
Le véritable crime
des édiles shanghaïens
est d’avoir défié l’autorité de Pékin, la sourcilleuse capitale,
garante d’une intégrité impériale malmenée par des fiefs féodaux de plus en
plus insolents. L’affaire tient de la géopolitique interne, de la rivalité
récurrente entre le centre et la périphérie, de la tension entre la force
centripète du politique et la force centrifuge de l’économie
. Vieille
histoire qui remonte aux
origines de la réforme économique chinoise
.

Au début des années 1980, quand s’est ouverte l’ère du postmaoïsme, dont
le credo est que l’économie – et non plus l’idéologie – est la vraie source de
puissance, Pékin n’était
pas capable par lui-même de libérer les énergies propres à enrichir le pays
.
Capitale impériale, c’est un pôle bureaucratique et non un foyer de croissance.


Il
lui a donc fallu sous-traiter la création de richesses à des agents locaux.
Ce fut la tâche des fameuses "zones économiques
spéciales" (ZES) installées
sur la façade côtière à l’orée de
Hongkong et de Macao ou en face de Taïwan, modèles voués à faire école. Au fil de la diffusion des
recettes de ces "dragons" périphériques, la Chine méridionale s’est
enfiévrée.
La province
phare
de l’époque est le Guangdong, dont le chef-lieu, Canton, jette les bases de
l’"atelier du monde".


La relation entre les marchands du
Sud et les mandarins du Nord ne tarde pas à se tendre
. En 1998, un conflit très dur éclate à propos d’un endettement étranger massif que Canton
avait contracté
au mépris des instructions centrales. L’état-major de
la province du Guangdong est décapité.
Deux ans plus tard, la même
mésaventure frappe le port de Xiamen,
situé dans la province du Fujian, qui fait face à Taïwan.
Les dirigeants locaux
avaient couvert un réseau de contrebande
ayant infligé de gros dommages
aux caisses de l’Etat.

Telle est l’angoisse du gouvernement central :
qu’émergent des fiefs prospères bravant son autorité
. Pékin ne pouvant tuer ces "poules aux oeufs
d’or", la seule arme
dont il dispose est d’organiser une sorte de roulement géographique dans
l’octroi du favoritisme d’Etat
. Canton avait-elle été gâtée sur la décennie
1985-1995 ? On finit par
lui retirer cette sollicitude
.


Le gouvernement central jette alors
son dévolu sur une autre cité emblématique : Shanghaï
, la "Belle au bois dormant",
anémiée sous le communisme orthodoxe qui lui avait fait payer ses turpitudes
capitalistes de naguère. Ainsi Shanghaï a-t-elle pris son essor tout au long de ces années 1990, chouchoutée
par Pékin
,
trônait
une belle brochette d’anciens dirigeants de la cité, au premier rang desquels
Jiang Zemin, alors numéro un du parti
(1989-2002).

Mais là encore,
l’épanouissement de Shanghaï, acclamée à Davos et Wall Street comme la Babylone
du nouveau siècle chinois, a suscité maints tiraillements.


A
l’instar de Canton naguère, Shanghaï cultive une arrogance amèrement ressentie
dans le reste du pays
. Tant que la "faction
shanghaïenne" de Jiang Zemin régnait à Pékin, rien de dommageable ne
pouvait lui arriver.
La protection était suprême. Les deux pôles de
pouvoir, le politique et l’économique, étaient solidaires
. Or l’attelage
s’est récemment rompu. Dès
lors qu’au congrès du Parti communiste en 2002, Jiang Zemin, le parrain de
Shanghaï, a dû quitter ses fonctions de patron du régime, la cote de la ville a
chuté
. Elle s’est retrouvée dans le collimateur des nouveaux maîtres
de Pékin, affiliés à une faction rivale
.

LE
DILEMME DE HU JINTAO

A rebours de
l’élitisme de M. Jiang, fasciné par le prestige ostentatoire que déploie la Perle de l’Orient – le surnom de
Shanghaï
-, son successeur à la tête du régime, Hu Jintao, est un homme
de l’arrière-pays rural, sensible à la cause des provinces pauvres et préoccupé
par le creusement des inégalités
. Hu Jintao arrive au pouvoir au moment où mûrit en Chine
le procès du productivisme débridé, jugé déstabilisateur pour les équilibres
sociaux
, financiers
et écologiques de l’empire
. Un mot d’ordre s’impose alors à Pékin : substituer la "qualité" à la "quantité" de croissance. Les
provinces sont sommées de refroidir
une machine économique
dont la surchauffe est lourde de dangers :
surcapacités industrielles, mauvaises créances bancaires, expropriation rurale,
dégradation de l’environnement. Shanghaï, où enflent de périlleuses bulles, est particulièrement visée,
mais elle se cabre devant ce nouveau centralisme. Le conflit est inévitable et, dans ces
empoignades-là, Pékin est toujours le plus fort.


L’histoire
se répète. Tout comme
Shanghaï avait été promue pour contrer Canton, de nouveaux foyers de croissance
sont aujourd’hui encouragés à prendre le relais :
le port de Tianjin, à
proximité de Pékin, et le Nord-Est
mandchou
, en
attendant que les provinces rurales de l’Ouest s’ébrouent
.


Jusqu’au
prochain conflit : de nouveaux féodaux émergeront fatalement qui défieront,
à leur tour, la capitale
. A l’exception du Tibet et du Xinjiang musulman –
frontalier de l’Asie centrale
-, ces forces centrifuges sont économiques
plus que politiques
. Elles ne sont pas moins une source d’embarras
permanent pour Pékin.

Comme le démontre
le politologue Li Cheng, le recrutement du personnel politique provincial s’est
"localisé
" ces dernières années alors que l’ère Mao avait mieux
su imposer des dirigeants issus d’autres régions, donc moins enclins à
succomber aux sirènes de l’autonomisme. Cette évolution place Hu Jintao face à un dilemme.
Il souhaite démocratiser
le fonctionnement interne du Parti communiste
– à défaut de pouvoir le
faire à l’échelle de la société -, mais une telle concession à la base ne peut qu’accuser la tendance
au "localisme
" qu’il prétend combattre. Car le parti
d’"en bas" préférera toujours se doter de dirigeants autochtones
plutôt qu’imposés par Pékin. En l’absence de compétition électorale, la vie politique chinoise
semble atone. Elle est en fait une géopolitique en perpétuelle tension
.

Article paru dans
l’édition du 19.10.06

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